Minimisation du dommage et liberté du refus de soin du patient

Un des principes fondamentaux de la relation médecin-patient réside dans la liberté pour un patient d’accepter ou non les soins qui lui sont proposés. Par ailleurs, la jurisprudence rappelle constamment que l’obligation pour l’auteur d’un dommage d’en réparer toutes les conséquences est corrélée par le fait que la victime ne soit pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable.

La Cour de cassation a dû trancher un problème de droit à la frontière entre ces deux règles :

Par un Arrêt du 15 janvier 2015 elle a affirmé avec force que le patient ne peut se voir imposer des traitements aux fins de limiter son préjudice et qu’on ne peut lui faire reproche de n’avoir suivi une recommandation de soin. Son indemnisation doit donc être intégrale, indépendamment des choix thérapeutiques opérés.

Refus de soin

A l’origine de la décision, les faits suivants : une personne quitte la clinique au sein de laquelle elle a subi une opération, malgré des signes d’état infectieux. Plus encore, elle refuse tout traitement et regagne son domicile contre l’avis de ses soignants.  Un mois plus tard, une infection nosocomiale (septicémie par streptocoque) va être diagnostiquée, entraînant des préjudices corporels importants en raison d’atteintes aux organes vitaux.

Le refus de soin à l’origine des dommages ?

La Cour d’appel de Bordeaux avait décidé de limiter la responsabilité de la clinique, estimant que la cause exclusive  des dommages corporels subis par le patient était d’avoir refusé les soins nécessaires. Les Juges d’appel ont effectivement considéré que si le malade avait accepté le traitement, l’infection n’aurait pas dégénéré et n’aurait pas entraîné de conséquences aussi graves.

La juridiction suprême casse cette décision en rejetant ce raisonnement. Pour la Cour de cassation, l’aggravation de l’état de santé de ce patient est certes lié au refus des traitements proposés en premier lieu, mais ces traitements « n’avaient été rendus nécessaires que parce qu’il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique ». Dans la mesure où les complications découlent de l’infection nosocomiale dont est responsable la clinique, le patient a droit à une réparation intégrale, indépendamment de son comportement postérieur à l’infection.

Les conséquences de l’infection aggravées par le refus de soin

Pour bien comprendre le raisonnement de la Cour de cassation, il faut réaliser que le comportement du patient n’a pas causé l’infection elle-même : elle a été contractée avant son refus de soin. C’est l’évolution péjorative de cette infection qui a été entraînée par l’attitude du malade.

Acceptation des risques

L’Arrêt casse donc, mais renvoie les parties devant la Cour d'appel de Toulouse. Or, il n’est pas impossible que cette juridiction limite ensuite le droit à indemnisation du demandeur, mais pour d’autres motifs, notamment en considération du risque pris en se soustrayant aux soins. Les Juges pourraient effectivement décider que le patient a accepté les risques auxquels il s’exposait en refusant toute thérapeutique.

Affaire à suivre, donc.